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Le chaman et l’homéopathe ?

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Cet article fait suite à une discussion avec mon confrère suisse Joël ROBERT qui passe, depuis des années, 2 à 3 mois dans l’Amazonie péruvienne, au sein de groupes de guérisseurs traditionnels proposant des traitements divers et des « cures d’éveil » à l’ayahuasca * … Celui-ci nous a raconté comment  ces chamans procèdent pour obtenir les informations nécessaires à l’utilisation de tel ou tel remède : le chaman part plusieurs semaines en forêt, avec pour seule nourriture la plante à connaître, qu’il mange en petite quantité chaque jour et un peu de riz … Quand il revient, il raconte les points forts de son voyage intérieur de rencontre avec la plante qui l’a éclairé sur les capacités de son utilisation ultérieure.

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Je ne suis certainement pas le premier a entendre cette histoire qui a du être relevée par de nombreux explorateurs. Passionné des plantes médicinales, j’avais toujours été intrigué par cette connaissance chamanique des plantes médicinales (et pour certaines de leurs vertus psychotoniques). A ma connaissance, ceux-ci n’ont pas élucidé les mécanismes de cette connaissance « magique » du monde végétal par les sociétés animistes. Certains même avait évoqué un « sixième sens » ? Pourquoi font-ils cela, que se passe-il en fait durant cette retraite et quasi jeûne ?

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Dans la pensée des peuples d’Amazonie, la hiérarchie du monde vivant est observée à travers une perspective spirituelle interconnectée : tous les êtres vivants font partie d’un même réseau. Chaque entité à une essence spirituelle. Les humains ne sont pas supérieurs, mais font partie d’un équilibre naturel où chaque élément joue un rôle.  Les chamans assurent la communication avec les esprits de la nature pour maintenir l’équilibre entre le monde humain et non-humain. Pour eux, les plantes ne sont pas seulement des ressources matérielles, mais des entités dotées de sagesse et d’intention. Chaque élément de la nature (roches, plantes et animaux) étant considéré comme faisant partie d’un cercle d’interdépendance sacré, jouant un rôle spécifique dans l’équilibre du monde.

— Plantes guérisseuses (médicinales) : le saule blanc (fébrifuge), l’echinacée (antiseptique), la menthe (digestive), la sauge (hormonale) par exemple sont utilisées pour purifier le corps et l’esprit

— Plantes nourricières : le maïs, les haricots et les courges – souvent appelées « les trois soeurs » – plantes adventices.

— Plantes sacrées (le tabac, le peyotl ou l’ayahuasca) qui sont utilisées pour des pratiques spirutuelles.

— Plantes toxiques : le curare, utilisé pour la chasse)

La « Terre-Mère » (ou « Pachamama » en Quechua et Aymara – Langues toujours parlées au Pérou) est considérée comme une entité vivante qui nourrit tous les êtres. Les chamans se sentent responsables de préserver son équilibre.

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Dans ce contexte, quel est l’intérêt de cette « retraite d’expérimentation », dépassant sans doute un simple essai toxicologique.

Absorber un remède et observer les effets (psychosomatiques) produits est l’application du « modèle de la boite noire », qui sert à explorer les équilibres d’un système auto-régulé (ici, l’organisme humain) basé sur des hypothèses simples :

  1. le système est caractérisé par un état de base (norme statistique = profil de base) … la « bonne santé » du chaman
  2. les contraintes /perturbations appliquées au système modifient l’état de base … des symptômes induits apparaissent
  3. le retour à l’état normal peut être obtenu par l’arrêt de la contrainte de départ.

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Avantages de cette méthode :

  1. moyen d’approche idéale de troubles variés (non caractérisables nosologiquement)
  2. large champ des moyens d’investigation (psychologique, clinique / biologique, etc.)
  3. possibilités d’études de nombreux produits simples ou complexes. 

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Ce modèle d’étude a aussi ses limites : les mécanismes réels d’action restent inconnus (que se passe-t-il au sein de la boite noire ?) d’où la difficulté de prédire les résultats et de déterminer les conditions d’utilisation.

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Le « facteur temps »

Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas d’une simple expérimentation toxicologique, car la concentration de la plante testée va varier, car le corps de l’expérimentateur va — au fil du temps  — diluer (par l’eau bue et éliminée) et dynamiser (ses pulsations vasculaires) le remède à tester… L’état colloïdal est fondamental dans tous les systèmes vivants (un colloïde est une phase de dispersion d’un solide dans un liquide) :

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L’organisme se comporte donc comme une machine à monter des « dilutions Korsakoviennes » (méthode du flacon unique). C’est-à-dire, qu’un traitement appliqué pendant un certain temps finira par avoir un effet « homéopathique ».

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En prenant des micro-doses quotidiennes, l’expérimentateur va ainsi balayer les différents niveaux d’action du remède, qui s’exprimeront par des symptômes spécifiques, de l’action toxicologique (chimique) à une action plus oligo-élémentaire (autour de 1 ppm), puis purement informationnelle (au delà du nombre d’Avogadro = 1O-^24). 

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Les pharmacologues savent bien qu’une même substance peut avoir différents types d’actions selon leur concentration, même si nos pratiques occidentales valorisent essentiellement l’effet pondéral.

Pour les chamans, il existe une hiérarchie des êtres humains et non-humains et la maladie apparait, selon ceux-ci, si cette hiérarchie a été bousculée, c’est à dire si l’homéostasie de l’individu dans son environnement a été perdue … Il existe bien sûr des variations dans cette classification selon les ethnies.

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Pour un praticien homéopathe, habitué des déconcentrations élevées, c’est assez clair, le chaman réalise une sorte de « pathogénésie » (« proving » en anglais) de la plante. De quoi s’agit-il ?

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Alors que la médecine du XVIIIe siècle faisait largement usage de tisanes, saignées, lavements et potions à base de plantes et de sels métalliques (ex. les sels de mercure !) comme base thérapeutique… le mérite d’avoir élaboré la première méthodologique scientifique du médicament revient à un médecin allemand : Samuel HAHNEMANN (1755-1843). En 1790, en lisant un article de Cullen (physiologiste anglais), il fut frappé par l’incohérence des explications données sur les propriétés du quinquina (arbre dont on tire la quinine – précurseur de l’hydroxychloroquine, remède qui est redevenu d’actualité !). Cette substance était connue pour guérir la « fièvre des marais » (le paludisme) et Cullen supposait que l’action de la quinine sur la fièvre s’expliquait par des « vertus stimulantes sur l’estomac ». S. Hahnemann a alors une intuition géniale : pour comprendre les effets d’une substance sur un malade, il estime qu’il est nécessaire d’avoir un point de comparaison valable, et que cette comparaison ne peut être fournie que par le sujet sain. L’absorption de poudre de quinquina lui donne en effet de la fièvre… Après de multiples vérifications, il écrit : « La quinine qui guérit la fièvre provoque chez le sujet sain les apparences de la fièvre ». Un peu plus tard, après d’autres expériences avec des petites doses de mercure, de belladone et d’ipéca, il conclut : « Pour guérir une maladie donnée, il faut faire prendre au malade un remède, qui administré à un sujet bien portant, lui donnerait les symptômes de cette maladie ».

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Le choix thérapeutique proposé par la méthode homéopathique est donc basé sur la similitude des symptômes (du malade avec ceux susceptibles d’être provoqués par le remède), quelque soit la maladie considérée : le remède choisi n’est donc pas déterminé par la nature de la maladie, ni par le mécanisme supposé des troubles en cours, mais par les réactions morbides particulières à chaque malade.

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S. Hahnemann expliquait dans son « Organon de l’art de guérir » que les substances naturelles, une fois diluées et secouées (dilution et dynamisation), « font ressortir les forces dynamiques latentes, qui étaient auparavant masquées en elles, imperceptibles, comme endormies, et qui influent préférentiellement sur le principe vital, sur la vie animale » (§ 269).

Grâce à ce processus de « dé-densification », certaines propriétés de ces substances disparaissent, d’autres apparaissent. Avec l’homéopathie, Hahnemann a mis en avant la vision informationnelle de la substance, alors que nous sommes dans l’ère d’une médecine matérialiste, inaugurée par Virchow, qui explique la maladie uniquement par des principes cellulaires (et aujourd’hui moléculaires). Les découvertes récentes sur les propriétés des nano-particules, qui changent de propriétés en fonction de la concentration, semblent lui donner raison !

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Bien sûr, S. Hahnemann vivait bien avant Avogadro, il n’a donc eu aucune angoisse intellectuelle à dépasser la dilution de 12CH (10^-24). Avec la pratique, il utilisa des 30 puis de 200CH. De telles dilutions discréditent tout à fait la méthodologie homéopathique aux yeux des chimistes qui commandent à présent l’industrie du médicament. Pourtant, à force de diluer et de dynamiser,  on peut imaginer que les molécules actives ont une probabilité non nulle de passer successivement d’un flacon dans l’autre. En physique quantique, on parle de l’information d’une « probabilité de présence » !

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Les pathogénésies actuelles se déroulent de la façon suivante (méthode du dr. Julian) : 

  • 1ère semaine, l’expérimentateur prend 10 gouttes matin, midi et soir d’un flacon placebo (pour s’habituer à la prise régulière et pour évacuer les symptômes psycho-induits). On lui donne un cahier où il doit relever les modifications physiologiques et psychologiques qui apparaissent tout au long de l’expérience.
  • 2ème semaine : l’expérimentateur prend 10 gouttes matin, midi et soir d’un flacon du remède à tester en 4CH (0,01 ppm)
  • 3ème semaine : le remède en 5CH (c’est le niveau de concentration moyen des hormones dans le corps)
  • 4ème semaine : le remède en 7CH
  • 5ème semaine : le remède en 9CH
  • 6ème semaine : le remède en 15CH
  • 7ème semaine : le remède en 30CH

Certains symptômes n’apparaissent qu’à certaines dilutions et que chez certains expérimentateurs ! C’est pourquoi pour réaliser une pathogénésie complète, on a recours à une vingtaine expérimentateurs en moyenne. Les symptômes qui apparaissent chez la quasi-totalité des expérimentateurs sont qualifiés de « fort », ceux qui n’apparaissent que chez quelques sujets sont qualifiés de « faibles ».

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Notre expérience des provings nous a fait découvrir la pathogénésie des remèdes allopathiques : lorsque les dilutions s’élèvent :

1/ l’effet chimique peut s’inverser, ainsi la Digitale réduit le rythme cardiaque en basse dilution, alors qu’il l’augmente en dilutions fortes

2/ les « effets secondaires » persistent et parfois même sont exacerbés dans les dilutions élevées !

Ce qui reviendrait à admettre que l’homéopathie est « la médecine des effets secondaires des médicaments » ! Ainsi, par exemple, le Pexid, anti-angoreux puissant, provoquait chez beaucoup de patients de fortes sensations vertigineuses, des migraines, sur fond d’asthénie profonde. Ce remède, en dilution homéopathique, correspondra à un patient qui présente ces trois symptômes caractéristiques et le soulagera rapidement !

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L’homéopathie existe depuis plus de deux siècles. A la mort de S. Hahnemann une centaine de pathogenésies avaient été effectuées. Nous avons à présent plus de 2000 remèdes, classés selon l’étendue de leurs effets (on parle de « polycrestes » pour les remèdes à large spectre) et le type de symptômes qu’ils déclenchent. 

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Dans le cas des chamans, il existe une hiérarchie des êtres humains et non-humains et la maladie apparait, selon ceux-ci, si cette ordre a été bousculée, c’est à dire si l’homéostasie de l’individu dans son environnement a été perdue …

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On peut dire que si les homéopathes du monde entier sont d’accord sur la méthodologie, ils diffèrent un peu (comme les chamans !) sur le classement des remèdes :

1/ le classement en fonction du type de maladies sur laquelle ils agissent : Hahnemann (3 diathèses – 1830) / Reckeweg (6 phases – 1955) / Sankaran (le spectre miasmatique)

2/ le classement selon la table de Mendeleev (Scholten – 1990)

3/ le classement selon leurs polarités organiques (25 familles de remèdes – FFMI – 1995), correspondant au pentagramme des régulations telle qu’il est défini par la Médecine Traditionnelle Chinoise, autre système médical vieux de 25 siècles.

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C’est, bien sûr, cette classification qui a notre faveur, de par sa précision, confirmée par la psychologie du développement et la biologie sérique (tests de remèdes).

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Conclusions pour l’avenir 

Il nous parait intéressant de confronter ces deux bases de connaissances :

A/ lorsqu’un remède indien a une pathogénésie homéopathique (c’est le cas pour le tabac = Tabacum (du groupe de l’ammonium) et le peyolt = Anhalonium (du groupe du zinc), en confronter les informations avec l’usage et la vision qu’en ont les chamans.

B/ lorsqu’un remède indien puissant n’a pas encore bénéficié d’une pathogenésie, la réaliser et la comparer avec les remèdes connus pour en préciser le mécanisme d’action.

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* L’ayahuasca est une préparation traditionnelle d’origine amazonienne composée de plantes telles que la liane Banisteriopsis caapi et des feuilles de Psychotria viridis. Ces plantes contiennent des substances psychoactives, notamment la diméthyltryptamine (DMT) et des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), qui altèrent l’état de conscience et peuvent induire des hallucinations.

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Bibliographie :

– BRELET Claudine, “Médecines du monde, histoire et pratique des médecines traditionnelles“, éditions Robert Laffont 2002

– DESCOLA Philippe “La composition des mondes” (ed. Flammarion, 2014) et “Par-delà nature et culture” (ed. Gallimard, 2005)

– FONTANILLE Bernard et SENDER Elena, “Médecines d’ailleurs, rencontres avec ceux qui soignent autrement“, éd. De la Martinière 2014

– HENRY J.Yves et Françoise « Matière médicale diathésique » IMH, 2008

– WATSUJI TETSURO “Fudo, le milieu humain” (CNRS Editions, 2011)

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Articles : 

Le psychanaliste, le corps et le chaman

https://medecine-integree.com/wp-content/uploads/2017/07/PURGE-AU-TABAC-M-Int.pdf

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