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Faire une présentation rapide et accessible de la M.T.C. est une gageure. Nous avons choisi de nous en tenir à une simple explication des termes. Toutefois au-delà de l’explication des termes …
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Celui qui prétend s’inscrire dans une démarche traditionnelle se positionne dans une lignée : il cite ses maîtres ; il ne parle pas en son nom propre, il transmet ce qu’il a reçu. Après avoir suivi la formation donnée au sein du Collège Odonto-stomatologique du Centre (COSAC) par le Docteur R. Montbesson dans les années 1975 à 80, le Dr J.Paul Meunier a été appelé à redonner à son tour l’enseignement reçu.
Le Dr Montbesson s’était formé auprès de N’guyen Van Nghi et avec l’aide des ouvrages de Chamfrault. Il avait souhaité structurer un enseignement destiné à des chirurgiens-dentistes et applicable en pratique journalière.
Dans un fonctionnement collégial, le COSAC s’est attaché à développer l’enseignement en restant ancré dans la Tradition en compilant les apports de J. Schatz [i], J.M. Kespi [ii], J.M. Eyssalet [iii], P.H. Meunier [iv] ou Ph. Sionneau [v]
La M.T.C. est « traditionnelle » en cela que depuis plus de vingt siècles, elle transmet un message remarquablement constant, message qui n’est pas seulement médical, mais qui est indissociable de la philosophie Taoïste [vi].
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Le fait que cette pratique médicale soit « chinoise » lui confère-t-elle des caractéristiques particulières ? Quand une locution n’est pas compréhensible, le langage populaire dit « C’est du chinois !». La vox populi admet ainsi que ce qui nous vient de Chine n’est pas aisément accessible. Essayons de comprendre pourquoi.
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Du point de vue de l’audiologie [i] (on devrait pour être exact parler d’audio-psycho-phonologie) chaque langue correspond à une bande passante bien définie. Selon que vous êtes Espagnol ou Allemand, les fréquences qui nourrissent votre oreille ne sont pas les mêmes.
Par exemple les oreilles slaves, nourries d’une bande passante beaucoup plus large que celle qui a nourri nos oreilles françaises, sont beaucoup plus aptes à l’apprentissage des langues. La langue chinoise, très diversifiée au niveau des « tons », construit des sujets plus sensibles que nous ne pouvons l’être aux nuances.
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Après les caractéristiques de la langue voyons celles de l’écriture.
Des neurophysiologistes tels que Temple Fay [ii] et C.H. Delacato [iii] ainsi que certains théoriciens de l’apprentissage comme Piaget [iv] ont adopté l’idée que la structuration de notre mental se réalise à travers la séquence des activités fondamentales : rouler, ramper, quatre pattes…marcher. Le philosophe allemand R. Steiner soulignait déjà en 1920 la continuité du processus de construction dans ce résumé saisissant : « marcher, parler, penser ». Ce processus de construction/structuration est sensiblement le même en tous points de la planète. Mais manifestement, quand il s’agit de transmettre les concepts, le recours à l’écriture fait appel à des formes très différentes : d’un coté une écriture idéogrammatique et de l’autre notre écriture phonétique.
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Selon J. Schatz [v] « La langue française est réputée pour sa clarté et sa précision. Elle doit ces avantages à une certaine virtuosité dans le maniement de l’abstraction… mais ce discours appauvrit nécessairement, en les simplifiant, les réalités qu’il cherche à représenter. L’extension du concept s’obtient au détriment de sa compréhension.
A l’opposé, la langue chinoise est connue pour son expressionnisme, elle est phénoménologique. Son expression écrite – les idéogrammes – fait surgir dans l’esprit une famille nombreuse d’images concrètes. Chaque idéogramme est doué d’un pouvoir emblématique propre, il est une métaphore appliquée à l’idée que l’on souhaite exprimer… il indique seulement dans quelle direction il faut en chercher le sens, sans le préciser complètement »
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La langue et son mode d’écriture conduisent donc l’occidental vers un mode de pensée logique, analytique, procédant de l’identité des faits et aboutissant à une systématisation. On comprend alors [vi] que « des concepts fixes puissent être extraits par cette pensée de la réalité mobile, mais il n’y a aucun moyen de reconstituer, avec la fixité des concepts, la mobilité du réel ».
La langue et le mode d’écriture chinois, idéogrammatique, conduisent à un mode de raisonnement par analogie, qui a pour principe la non identité des faits et procède par comparaisons.
« Alors que l’occident étudie l’univers selon les notions de matière et de forme, l’orient l’étudie selon les notions d’énergie et de mouvement. Dans cet univers une chose évolue, non pas sous l’action d’une autre chose, mais par sa position changeante dans le cycle perpétuel universel. Les phénomènes ne sont pas causés, ils sont interconnectés. Il n’y a pas impulsion mécanique, mais résonance, alternance : tout son a son écho, toute lumière son ombre » [i]
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Existerait il une pensée occidentale analytique, causale, sclérosée et sclérosante opposée à une pensée vivante, holistique orientale ? [ii] Cette façon de présenter les choses serait simplificatrice à l’excès ! En effet, un mouvement, sans cesse relancé par de multiples impulsions, se manifeste, visant à revivifier le mode de pensée occidental. Parmi ces nombreuses incitations on citera : Rudolf Steiner qui suggère de développer une pensée vivante, une pensée en mouvement « en prenant en considération un ensemble organique vivant et sa continuité avec le milieu ou il se manifeste » [iii]
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Franck David Peat a cherché à réunir les champs de la physique (moderne, post relativiste, post quantique) et de la psychologie. Il l’a fait en évoquant la « synchronicité [iv] » ce qui nous ramène à C.G. Jung et au Yi Jing. Matthieu Ricard et Trinh Xuan Thuan [v], dans l’esprit des entretiens « Mind and Life [vi] » mettent en évidence l’existence de passerelles entre Science et Bouddhisme. Lupasco [vii] qui, en introduisant « la logique dynamique du contradictoire » ne nous semble pas éloigné de la vision que nous propose la figuration connue du Tao. Volontairement nous ne parlerons pas d’Albert Einstein dont l’équation d’équivalence matière/énergie ne semble toujours pas (bien que centenaire [viii]) être « intégrée » parmi les concepts de base que nous utilisons !
Si, au sein d’un certain paysage de savoir, une nouvelle connaissance peut apparaître, un nouveau paradigme émerger, c’est grâce à ces impulsions et au développement d’une pensée vivante. Nous soulignerons, en conclusion de ce chapitre, que pour mettre du mouvement dans nos idées, retrouver un mode de pensée holistique, nous occidentaux dont les structure mentales ont été sclérosées par notre formation universitaire, pouvons choisir avec grand profit, comme chemin, l’étude de la Pensée chinoise telle qu’elle est cultivée en Médecine Traditionnelle.
« Ensemble des connaissances et des moyens de tous ordres mis en œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités« . C’est la définition du Larousse. La M.T.C. est bien une médecine : son but est de guérir, soulager, prévenir. Les moyens de tous ordres : la M.T.C. « outre les aiguilles et les Kaos (moxas) utilise les massages, postures et mobilisations, des pratiques physiques, respiratoires, gymniques, des interventions chirurgicales et une abondante pharmacopée [i] »
Mais, au delà des moyens, il importe de saisir l’esprit de la M.T.C. « médecine totale, fondamentalement dialectique et dynamique, qui envisage l’être comme une globalité tant dans ses structures que dans ses rapports, elle ne prétend pas se substituer à l’homme dans sa guérison, mais l’aider à se guérir lui même ».
Pour la M.T.C. l’individu malade est désorienté. L’aider à se repositionner par rapport au monde qui l’entoure est indispensable mais l’ambition de la M.T.C. va bien au delà : elle souhaite lui permettre de se replacer dans son destin cosmique. C’est là que la fonction de soignant prend sa véritable dimension, ainsi que l’exprime J.M. Kespi dans la préface de l’ouvrage d’Annick De Souzenelle [ii]. « Comment soigner si le médecin ne sait pas qu’il doit, avant tout, relier chaque être à l’ordre du monde, à l’architecture sacrée de l’Univers et de la Vie ».
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Il faut, à ce point précis, quitter le cadre conceptuel et devenir praticien. J.M. Eyssalet, dans un article de la revue Nouvelles Clés[i] décrit ce que doit être l’approche du patient. La voie qui nous est proposée est l’écoute : accepter de ne pas savoir et apprendre à percevoir. La recommandation faite au praticien est d’avoir un « cœur vide ».
Devenir capable d’une véritable écoute… cela peut nécessiter un apprentissage. Il s’agit d’une écoute qualitative des phénomènes, d’où l’importance exceptionnelle des aspects sensoriels de l’investigation clinique : observation des formes, des reliefs, des couleurs du visage, étude de la langue, palpation de certaines zones du corps, de certains points d’acupuncture, palpation des pouls radiaux. Ecoute de l’émission vocale.
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Pour nous chirurgiens dentistes occlusodontistes, observation de la posture corporelle globale et de la posture de la tête, appréciation du tonus postural et, par la palpation, du tonus des muscles de la région depuis la ceinture scapulaire jusqu’aux muscles de la langue et du plancher sans omettre les muscles élévateurs. Détection des parafonctions…
Dans le cours de la consultation les questions posées découlent directement de la vision de l’homme propre à la M.T.C. Au delà des questions médicales courantes viennent toutes les questions qui ont trait à la manière de s’harmoniser avec les couleurs, les saveurs, les saisons, les habitudes alimentaires, vestimentaires…
Mais d’autres questions plus atypiques amènent dans le champ de la consultation des évènements ayant trait à l’histoire familiale, aux conditions ayant présidé à la conception et à la naissance, la place dans la fratrie, toutes les cicatrices…
« … ce langage fait prendre conscience d’évènements connus, vécus comme très épars, qui se voient tout à coup reliés par la situation, par les questions posées. C’est la sensation d’une sorte de totalité dans laquelle à la fois le psychisme, les émotions, les grands évènements de la vie et ceux du corps se trouvent associés, écoutés, acceptés. A partir de là, je fais une lecture. J’ai ma manière de traduire : c’est mon art…[ii] »
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Il ne faut pas sous estimer la valeur du rituel que constitue une consultation telle que nous venons de l’évoquer, ni la puissance – en tant qu’opérateur thérapeutique – des paroles qui vont être prononcées à son terme. Il faut au contraire faire grand cas de l’opinion de Boris Cyrulnik[iii] : « Le discours tenu pourra aussi bien guérir par une bénédiction qu’aggraver par une malédiction ; un pouvoir que seule possède la diction »
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Dans ce que J.M. Eyssalet appelle une lecture ou une manière de traduire on peut reconnaître ce que Tobie Nathan[iv] appelle « donner du sens ». Pour les patients qu’il est amené à voir en consultation, le plus souvent en dernier recours, il dit qu’ils sont à la recherche de sens et que la médecine conventionnelle ne leur propose que des causes.
Pour que la révélation de ce sens caché développe toute sa puissance thérapeutique il doit être présenté au patient sous une forme qui lui soit accessible. Ceci nous renvoie à l’écoute et au discernement : le thérapeute peut avoir l’intuition de plusieurs niveau de sens mais avant de faire sa révélation il doit se demander ce que la patient est prêt à entendre.
Ce qui fait l’adéquation du geste thérapeutique punctural c’est qu’il permet de dire gestuellement, en faisant résonner les lieux du corps, ce qui ne pourrait être dit, verbalement, car trop douloureux à entendre ou trop difficile à conceptualiser…
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Le but de cette présentation était de montrer qu’au delà d’une technique simplifiée, utilisable en pratique journalière au fauteuil, la MTC peut autoriser, à qui veut bien faire les efforts nécessaires pour assimiler ses concepts et les rendre vivants, des niveaux d’utilisation plus sophistiqués que de simples recettes. Ce sont ces deux approches que les textes anciens nommaient : les techniques du petit et du grand ouvrier.
Quant à moi, si l’utilisation de recettes me permet de répondre à la demande de mes patients, je n’aurai pas de honte à me voir qualifier de « petit ouvrier ».
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[1] Schatz J. Larre C. Rochat de la Vallée E. « Aperçu de Médecine Chinoise Traditionnelle », Maisonneuve 1979
[2] Kespi J.M. « Acupuncture », Maisonneuve 1982.
[3] Eyssalet J.M. « Les cinq chemins du Clair et de l’Obscur », Trédaniel 1988.
[4] Meunier P.H. « La santé vient en mangeant, Précis de diététique traditionnelle chinoise », PHM édition 1995.
[5] Sionneau Ph., « L’acupuncture pratiquée en Chine », Tomes 1 et 2 Guy Trédaniel 1995.
[6] Pour une approche ludique de la philosophie Taoïste : les Philo-bédé, « Le silence du sage » puis « Le retour du Sage », Editions Carthame, 1994.
[7] Tomatis Alfred. Parmi ses nombreux ouvrages on citera : « L’oreille et le langage » Ed du Seuil, 1963.
[8] Wolf J.M. Temple FAY,MD, Illinois, Charles C. Thomas Publisher 1968.
[9] Delacato Carl H., « Neurological organisation and reading », Illinois, Charles C Thomas Publisher, 1966.
[10] Piaget J. « La formation du symbole chez l’enfant » Ed Delachaux et Niestlé, 1972
[11] Schatz J. Larre C Rochat de la Vallée E. op. cit. page 31.
[12] Bergson H. « La pensée et le mouvant », cité par Eyssalet J.M. op.cit.
[13] Montbesson R. Cours de 1ère année. Document COSAC.
[14] Granet M. « La pensée chinoise » (1ère édition 1934) Albin Michel 1968.
[15] Steiner R. « La Philosophie de la Liberté » (la première édition date de 1894) Editions anthroposophiques 1986
[16] Peat F.D. « Synchronicité » Ed Le Mail 1988
[17] Ricard Matthieu et Trinh Xuan Thuan, « L’infini dans la Paume de la main », Ed Pocket, 2002.
[18] http://www.mindandlife.org
[19] Lupasco Stephane, « Le principe d’antagonisme et la logique de l’énergie », Ed Le Rocher, 1987.
[20] Einstein A. le mémoire intitulé « L’inertie d’un corps dépend-elle de son contenu en énergie ? » contenant la célèbre formule « E=mc2 » qui a été publié en 1905.
[21] Kespi J.M. op. cit. page 11, ainsi que la citation suivante.
[22] De Souzenelle A. « Le symbolisme du corps humain », Ed. Dangles, 1987.
[23] Nouvelles Clés, Hors série N° 6, « La Médecine chinoise, agir dans le non-agir ».
[24] Eyssalet J.M. article de la revue Nouvelles Clés Op. cit.
[25] Cyrulnik B. « Les nourritures affectives », Ed Odile Jacob, 1993.
[26] Nathan T. « L’influence qui guérit », Ed Odile Jacob, 1995.
Et aussi le miroir turbulent…. lathéorie du chaos.
Notre but est de mettre à disposition des internautes (étudiants, professionnels de la santé et patients) les renseignements disponibles dans le domaine des médecines douces (en anglais, l’on parle de « complementary and alternative medicine »), au sein d’un concept global d’équilibre du terrain, pour qu’ils participent avec nous au débat ouvert sur la médecine de demain … dans une approche systémique de la santé, des symptômes et des remèdes !
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