Print Friendly, PDF & Email

Ayahuasca, médecine traditionnelle amazonienne et expérience personnelle

.

Pour commencer, il est essentiel de clarifier quelques notions de base sur la médecine traditionnelle amazonienne (MTA).
En France, la consommation d’ayahuasca est interdite. En revanche, au Pérou, les connaissances et les usages traditionnels de l’ayahuasca sont reconnus au Patrimoine culturel de la Nation.

.
L’ayahuasca n’est pas une drogue. Il s’agit d’un breuvage végétal psychoactif utilisé depuis des générations par peuples indigènes d’Amazonie dans un cadre thérapeutique et spirituel. L’ayahuasca est une décoction obtenue après plusieurs heures de cuisson de deux plantes : la chacruna (Psychotria viridis) et la liane ayahuasca (Banisteriopsis caapi). De plus, il est important de savoir que ce breuvage n’engendre aucune dépendance.

.
Le rituel et l’environnement dans lequel l’ayahuasca est consommée jouent un rôle fondamental. Il est crucial d’être accompagné par des experts en états modifiés de conscience. L’expérience peut faire remonter des souvenirs douloureux ou des traumatismes enfouis, provoquant des émotions intenses. Les sensations corporelles peuvent également être puissantes, allant de simples nausées à l’impression de mourir. Après une telle expérience, un accompagnement par un psychologue spécialisé dans les plantes psychoactives peut être d’une grande aide pour intégrer ce vécu et en tirer un bénéfice personnel.

.
Les visions induites par l’ayahuasca ne sont pas des hallucinations. Ces visions constituent un matériel psychologique, à la fois personnel et transpersonnel, d’une grande richesse. Elles peuvent aider toute personne souhaitant explorer leur monde intérieur et/ou surmonter des traumatismes ou d’autres problèmes de santé.

.
Lorsque le rituel est bien encadré et que l’intégration de l’expérience est respectée, cette médecine peut être profondément bénéfique. En revanche, si elle est mal utilisée, elle peut s’avérer très déstabilisante. Pour les personnes souffrant de psychoses ou de troubles de type borderline, les états modifiés de conscience sont fortement déconseillés.

.

Si l’ayahuasca est souvent au cœur des discussions, il est essentiel de rappeler que la médecine traditionnelle amazonienne repose sur une vaste pharmacopée de plantes aux propriétés variées. On peut les classer en trois grandes catégories, chacune ayant une
fonction thérapeutique spécifique :
– Les plantes purgatives
– Les plantes psychoactives
– Les plantes maîtresses
Ce sujet est gigantesque, on pourrait consacrer un livre entier à l’exploration de ces différentes plantes et de leurs usages.

.
L’une des pratiques les plus répandues dans la médecine traditionnelle amazonienne est “la dieta”. Elle consiste à s’isoler en pleine jungle, sans distraction externe, dans une petite cabane, pour une durée pouvant varier de quelques jours à plusieurs mois. La seule
personne avec qui l’on reste en contact est le guérisseur, qui vient tous les jours apporter des décoctions de plantes maîtresses (non psychoactives) à boire. Il fournit également une alimentation très restreinte : du riz blanc et une banane plantain cuite à l’eau, sans sel, sans épices et sans sucre. Si la dièta se prolonge, de petites quantités de protéines peuvent être ajoutées. L’objectif de la dieta est purement thérapeutique.

.

.
Avant de vous raconter l’une de mes expériences avec la MTA, il me semblait essentiel de poser ces bases.

.
La première fois où j’ai participé à une cérémonie, je me posais des questions fondamentales au sujet de la vie : Vaut-elle vraiment la peine d’être vécue ?! Y-a-t-il un sens plus profond à tout ceci qui nous dépasse et qui nous est difficile de percevoir ?! Est-ce que
ça vaut la peine de s’entêter à perdre notre temps à faire tourner les rouages d’une société capitaliste voué à l’échec ?!
A vrai dire, je n’avais pas d’idée noire et en même temps je sentais que j’avais sincèrement besoin d’un retournement de situation dans ma vie, car je commençais à avoir un goût amer en bouche.

.
Avant que la cérémonie ne commence, le guérisseur – celui qui veille sur l’espace tout au long du rituel – nous a demandé de choisir un arbre où nous pourrions déposer notre vomi. Cet acte a une signification symbolique : confier à l’arbre le rôle de nous aider à transcender les ombres que nous expulsions durant la cérémonie.
Je me souviens comme si c’était hier de ce moment où, debout face à cet arbre, le cœur ouvert et vulnérable, je lui ai confié mon mal-être. Je n’avais pas les réponses à mes questions existentielles et je ne savais pas comment continuer à avancer dans ma vie.

.

Lors de leur première cérémonie, beaucoup de gens ont l’impression que leur esprit est comme un disque dur en pleine défragmentation. Comme si l’ayahuasca venait nettoyer toutes nos fausses croyances auxquelles on s’attache et on s’identifie afin de laisser place à une sensation d’amour et d’unité profonde au sein de notre cœur.

.
Ce n’est pas ce que j’ai vécu. Je n’ai pas ressenti la dissolution de mon monde intérieur, mais plutôt une immense reconnaissance : celle d’enfin voir et vivre une expérience qui venait valider ce que je pressentais depuis toujours. L’essentiel n’est pas visible à l’œil nu. Mais quand on ouvre les yeux du cœur, le simple battement d’ailes d’un papillon devient une manifestation divine. Tout cela, accompagné d’un sentiment profond d’unité avec le vivant.

.

Lors de cette cérémonie, au premier verre, une sensation de bien-être intense m’envahit. Je me suis surpris à me questionner : “Comment est-il possible que je me sente mieux après l’absorption d’un breuvage végétal hautement psychoactif venu de l’autre bout du monde qu’en étant au plein centre-ville, stimulé par le brouhaha du quotidien ?
Un peu plus tard durant la cérémonie, je prends un second verre. À ce moment-là, tout bascule, la dose est trop forte. Je perds totalement le contrôle et me sens mal, très mal. L’expérience est si puissante que je perds connaissance, ne revenant à moi que par
instants. Le vertige et la perte de repères sont si intenses que la panique m’envahit. Une certitude s’impose : je n’aurais jamais dû faire ça ! Cette fois, j’ai ouvert une porte qui me dépasse complètement. Il est trop tard. C’est évident : je vais mourir et ceci est le dernier moment de ma vie.
Puis, une vision surgit. Je vois des yeux se tourner vers le ciel et perdre leur éclat. Simultanément, une voix intérieure, celle de l’ayahuasca, s’adresse à moi :
« Joël, te rends-tu compte que tu as vécu un traumatisme en voyant cette personne mourir ?« 

À cet instant je vomis, comme je n’avais jamais vomi auparavant. Puis soudainement, je pleure des torrents de larmes. Moi qui ai tant de mal à pleurer d’ordinaire, là je pleure sans pouvoir m’arrêter… jusqu’au petit matin.

.
Lors du cercle de parole du lendemain, destiné à partager nos expériences, mes larmes continuent de couler. Je prends la parole et, pour la première fois, j’ose dire ce que je n’avais jamais confié à personne : il y a quelques années, j’ai vu une personne mourir en face de moi. J’ai vu la vie quitter ses yeux, j’ai senti les odeurs des sphincters qui se relâchent, j’ai entendu les cris déchirants de ses proches s’effondrant.
Puis, je raconte aussi comment, durant la cérémonie, je me suis senti mourir. Et comment, en traversant cette expérience, j’ai compris à quel point je tenais à la vie… alors que quelques heures plus tôt, je n’en voyais plus le sens.

.
Cette nuit a profondément transformé ma perception du monde et de moi-même. Ce changement intérieur a été si puissant que j’ai su qu’il me fallait poursuivre cette exploration.

.
Depuis, je passe trois mois par an au Pérou, accompagné de guérisseurs expérimentés, afin d’apprendre à travailler avec cette médecine.

.
C’était un plaisir d’ouvrir cette porte et de poser par écrit une part de moi que je garde habituellement discrète. Sur ce chemin, l’humilité et la discrétion me semblent être la bonne voie à prendre.

.

Merci pour votre lecture.

Joel Robert

Inscrivez vous à notre newsletter !

Vous appréciez les articles de notre site ?

Vous vous intéressez à la santé naturelle et à la médecine fonctionnelle ?

Laissez nous votre email pour recevoir toutes les semaines des articles, des infos et des conseils