La crise du « grand âge »
Comment une famille perd-elle le contrôle de son histoire ? Par la remise en cause, la contestation d’un modèle de relation, hier cohérent, mais aujourd’hui inadapté. L’inadaptation du modèle n’arrête pas l’histoire du système. Mais il cesse d’être fonctionnel, mais se heurte à une nouvelle réalité…
C’est donc la crise du grand âge avec laquelle la famille va devoir composer et à laquelle elle doit s’adapter, en intégrant les données nouvelles :
- une accélération du vieillissement,
- la découverte d’une maladie chronique,
- une chute,
- le décès d’un des conjoints,
- l’interrogation sur un placement….
Dans ce contexte, ce qui est tout de suite mis en évidence c’est la place centrale du rôle maternel et par sa permanence mythique tout au long de la vie… Après avoir été la fille de sa mère, puis la mère de ses enfants, on devient d’une certaine manière la mère de sa mère, plus rarement de son père.
Les relations mères-fille, dans la dernière phase de la vie, sont les plus profondes, les plus conflictuelles, les plus culpabilisées. Autour d’elles s’organiseront souvent les autres relations avec le mari s’il existe, les enfants s’ils existent, les intervenants sociaux et médicaux. Comment gérer la situation et tenter d’éviter la logique infernale des frustrations qui transforment les familles en noeuds de vipère ?
Familles dont un membre âgé souffre de maladie chronique :
Caractéristiques de la maladie chronique : phénomène qui agit sur le système familial depuis le niveau de la cellule, du tissu et de l’organe jusqu’à l’individu dans un contexte familial. Et qui engage tout l’environnement humain dans le soutien, le maintien de l’autonomie ou des fonctions vitales et dans la prévention de nouveaux handicaps.
Les diverses difficultés pour la famille sont connues et évaluées en fonction de la rapidité de l’évolution de la maladie, du pronostic, de l’organisation qu’elle va supposer de la part des proches, des questions qui vont se poser et être posées au personnel soignant : ça va s’aggraver ? s’améliorer, l’autonomie pourra-t-elle être préservée, doit-on envisager un placement ?
Quand le diagnostic est posé, quand les réponses à ces questions peuvent être partiellement apportées, la famille entre dans une phase où tous peuvent partager une connaissance commune de la maladie et prévoir l’organisation du traitement… Accepter qu’une affection soit chronique et non aiguë (résolutive) est une étape à franchir pour la famille.
Quand la famille prend conscience que le malade âgé n’a aucune influence sur le début de sa maladie et son développement (l’entourage peut éprouver du ressentiment à soigner le malade s’il pense qu’il aurait pu prévenir cette affection ou ne pas l’aggraver), la famille ressent souvent moins d’irritation et de ressentiment à son égard. Tous sentiments difficiles à reconnaître pour l’entourage et pourtant réels !
Tout cela vient « parasiter » la difficile gestion de la situation. Les périodes les plus tendues surviennent quand une aggravation de la maladie coïncide avec une phase de changement rapide du système familial… La maladie chronique tend à replier la famille sur elle-même et à rigidifier ses frontières… Ces familles se bloquent au moment de franchir un stade de développement, comme de laisser les enfants quitter la maison, prendre sa retraite, divorcer, etc…
Prise en charge d’une personne mentalement déficiente.
La responsabilité des soins transforme la vie de toute personne qui en a la charge. Le temps de loisirs, l’intimité, les contacts sociaux, le bien-être physique et la stabilité émotionnelle en sont affectés. Les personnes qui ont la charge d’une personne mentalement déficiente ont plus de symptômes fonctionnels, moins d’activités sociales, un revenu inférieur et leur système immunitaire est très déprimé (Lymphocytes T4 bas).
La démence entraîne des comportements qui exigent une attention et une vigilance constance de la part de l’entourage (ex. démence sénile avec hallucinations) … Les personnes démentes manifestent des comportements difficiles à gérer, liés aux transformations de leur jugement et de leur perception de l’environnement.
Dans les premiers stades de la démence on peut inclure le patient aux décisions thérapeutiques… mais très vite, avec les progrès de la maladie, il convient d’exclure les patients des choix faits quant à leur situation ; il faut planifier la vie du patient sans le laisser participer aux décisions. Il est parfois difficile de prendre cette fonction d’autorité et de renoncer à l’image d’un parent responsable.
L’aide aux familles est différente pour celles dont un membre est atteint de maladie physique ou mentale. La grande différence entre ces deux types de maladie, en ce qui concerne la gestion de la situation est ici :
– Maladie physique : le patient est mentalement présent dans les choix à faire le concernant, même s’il est évident que la famille a le dernier mot (en ce qui concerne le placement en particulier),
– Démences : la personne qui a la responsabilité du malade doit comprendre que c’est à elle de choisir pour le patient, ce qui est difficile pour un conjoint, un enfant, un frère, une soeur qui doit renoncer à l’image qu’il avait de ce parent maintenant incapable mentalement.
Pour les deux situations, ce qui est en jeu c’est =
- un bouleversement de l’équilibre familial,
- une remise en jeu des stratégies identitaires familiales,
- une exacerbation des tensions et des non-dits,
- une fatigue physique et morale très importante pour la personne qui a la responsabilité de la personne âgée malade…
- et ce qui n’a pu se jouer et se résoudre dans les relations familiales (mère-fille en particulier) n’aura plus d’occasion de l’être…
- une sensation de frustration, d’inachevé, vient encore aggraver le sentiment de perte de sa part d’enfance … et la quête de reconnaissance affective maintenant définitivement exclue…