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Le texte ci-dessous reprend le contenu d’une conférence donnée lors du Congrès Odenth 2006 en Avignon, en Hommage au Dr. Gérard Rosenstein, père fondateur de l’Eudontie.
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Dans notre « fond culturel » (gréco-romain) c’est Esope qui le premier a dit de la langue qu’elle pouvait être « la meilleure ou la pire des choses« . Qui fut Esope ? A ce propos nous n’avons aucunes certitudes : on a, en effet, beaucoup de mal à démêler le réel et le pseudo historique dans la biographie de ce personnage qui vécut au 5ème siècle avant notre ère. On sait qu’il fut l’un des premiers grands fabulistes : « Le Loup et l’Agneau » apparaît dans un recueil de fables qui lui est attribué bien avant qu’elle apparaisse chez La Fontaine, mais les fables qu’il a collectées existaient sans doute depuis longtemps déjà.
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L’histoire (La Fable) : Ésope était le factotum, (l’homme à tout faire) d’un « maître » qui un jour pour « épater » ses convives lui demanda de confectionner un repas dont le met principal serait « la meilleure des choses »….en réponse à la demande de son maître il fait servir de la langue.
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Puis la fois suivante, face à la demande opposée : constituer un repas avec comme principal aliment « la pire des choses » il fait servir … encore de la langue !
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Son maître le somme de s’expliquer il déclare : « Qu’y a t il de meilleur que la langue ? C’est le lien de la vie civile, la clef des Sciences, l’organe de la Vérité et de la Raison…mais par ailleurs, qu’y a t il de pire : c’est la mère de tous les débats, la source des divisions et des guerres ! »
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Pour nous aussi, chirurgiens dentistes, la langue peut être la meilleure ou la pire des choses. Qu’elle soit l’une ou l’autre, elle le sera dans sa « fonction », dans son « mode de fonctionnement ». Nous proposons ici un plaidoyer en faveur d’une APPROCHE FONCTIONNALISTE de l’art dentaire.
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[1] Notre formation nous prépare à nous occuper de la structure : réparer, reconstituer les éléments détériorés et remplacer les éléments manquants.
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Nous ne sommes pas formés à évaluer les modes de fonctionnement des différents groupes musculaires et encore moins à proposer à nos patients des modes de fonctionnement plus physiologiques. Pourtant notre pratique journalière nous conduit à devenir de bons spécialistes du fonctionnement lingual.
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[2] Pourquoi se former à une pratique fonctionnaliste ? Quelles raisons pourraient nous pousser à faire évoluer notre pratique journalière vers une approche fonctionnaliste ?
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Quand on entend développer le coté alternatif de sa pratique, l’approche fonctionnaliste constitue un vecteur de diversification et de progrès. Par ailleurs, je me base sur mon expérience professionnelle pour affirmer qu’un assez grand nombre de troubles dont se plaignent nos patients ont leur origine dans un mode de fonctionnement défectueux.
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[3] Pour persuader nos patients de la réalité de ce fait il convient de développer une stratégie de communication adaptée.
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[3-1] Ceci présuppose certaines dispositions chez le praticien et une ouverture ou au moins l’absence de blocage chez le patient.
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[3-2] Ensuite le praticien doit beaucoup « éclairer » l’état d’inconnaissance dans lequel nous nous trouvons de façon habituelle : méconnaissance de nos faits et gestes, de nos postures corporelles, méconnaissance de l’anatomie, de la physiologie et des comportements dysfonctionnels et enfin méconnaissance de nos conditionnements.
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[3-3] La création d’un contexte favorable et la pratique de tests permet de démontrer au patient la réalité de ce que nous affirmons.
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[3-4] Ensuite un « travail » est proposé au patient. Travail de rééducation dans l’optique de M. Fournier mais qui peut aussi être abordé sous l’angle de la ré-harmonisation fonctionnelle selon Mme Padovan.
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Nous conclurons en proposant un modèle de physiologie dynamique pour l’ensemble « langue – plancher de la bouche.
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[1] Sans avoir eu de formation vraiment spécifique nous sommes confrontés, de façon très fréquente à des langues « dysfonctionnelles » : des langues grosses, portant l’empreinte des dents et maintenues en position haute et antérieure. Des langues qui vont se révéler difficiles à gérer pour effectuer des travaux tels que détartrage-surfaçage des faces linguales des molaires du bas (par exemple).
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Le premier pas pour entrer dans la pratique fonctionnaliste consiste à toucher, palper, mobiliser. A titre d’exemple, voici une manœuvre simple de mobilisation : on demande au patient une ouverture moyenne de la bouche, on pose un doigt sur le dos de la langue puis deux doigts sous le plancher. Le premier temps de la manipulation consiste à appuyer sur la langue de façon à faire descendre l’ensemble jusqu’à former un « double menton ». Le second temps consiste à pousser avec les doigts qui sont posés sous le plancher afin de faire monter l’ensemble plancher plus langue.
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Si cet ensemble est parfaitement souple il peut être mobilisé facilement. C’est rarement le cas ! Si l’ensemble accepte de descendre mais refuse de monter c’est que la posture habituelle est « langue basse ». Si l’ensemble monte facilement mais refuse de descendre c’est que la posture habituelle est haute et sans doute antérieure.
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Ce sont ces dernières langues qui vont réagir en repoussant le miroir ou la canule d’aspiration ce sont ces langues que je qualifie de susceptibles et avec lesquelles vous obtiendrez des nausées si vous insistez.
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Pratiquer cette manipulation renseigne le praticien, mais surtout permet au patient de « sentir » : en forçant légèrement la manipulation le sujet proteste : « ça fait mal ! »
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Si à ce stade en prenant la paroi de la joue entre le pouce et l’index vous lui montrez qu’il est parfaitement possible de mobiliser, avec un minimum d’effort et sans douleur, une paroi musculaire qui est souple le patient va pouvoir entendre que les douleurs provoquées par la manipulation de l’ensemble plancher plus langue sont liées à des tensions, spasmes ou autres contractures…. dont il n’avait pas conscience. Dire un mot du syndrome d’Eagle ? : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d%27Eagle#/media/File:Eagle%27s_syndrome.jpg
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A partir de là vous pouvez commencer à apporter une réponse thérapeutique en conseillant de pratiquer une technique de relaxation.
Ce faisant, vous êtes déjà en train d’orienter votre pratique vers la dentisterie fonctionnaliste !
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[2] La question suivante est : « pourquoi aller plus loin dans cette pratique ? »
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Le premier niveau de réponse consiste à souligner que la réalisation d’un acte quel qu’il soit, lorsqu’on a affaire à un patient qui « pousse » très fort avec sa langue, ressemble moins à une séance de « soins » qu’à une séquence de lutte gréco-romaine.
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Si le patient ne pousse plus la réalisation de l’acte devient beaucoup plus facile pour vous et beaucoup plus confortable pour lui.
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De plus, si vous parlez avec le patient de sa « fonction linguale » vous allez l’intriguer : d’abord, même si il ne vous le dit pas de façon explicite il va penser « c’est bien la première fois qu’un dentiste me tient ce discours ! » ; ensuite, le fait que vous soyez capable de repérer et de décrypter des modes de fonctionnements que lui même ne connaît pas modifie radicalement l’image qu’il a de vous. Il devient beaucoup plus attentif à ce que vous lui dites et il est prêt à accorder plus de valeur à vos déclarations. (Le début d’une réelle communication ?)
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C’est à la suite de la formation suivie auprès de Gérard Rosenstein en 1987 que j’ai été amené, en regardant mes patients d’un œil neuf, à développer cette pratique fonctionnaliste, et à imaginer des propositions thérapeutiques dont j’étais auparavant démuni.
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En vingt ans, j’ai pu accumuler une expérience qui me permet d’affirmer qu’un grand nombre des troubles dont se plaignent nos patients ont leur origine dans un mode de fonctionnement défectueux, et que des exercices simples peuvent constituer pour eux une réponse appropriée.
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Je citerais quelques cas cliniques, des plus rares aux plus fréquemment rencontrés.
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Pour caractériser le premier cas j’ai créé une nouvelle entité nosologique « la crampe carambar ». Quand vous mordez dans un « carambar » ramolli en surface vos dents pénètrent facilement la substance collante puis lorsque vous voulez ouvrir la bouche, décoller vos dents, les muscles abaisseurs doivent fournir un effort important. Si votre plancher est déjà tendu de façon habituelle vous pouvez à ce moment déclencher une crampe, très douloureuse au dire des patients.
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C’est dans ces cas de crampes du plancher et de la langue que la manipulation, expliquée plus haut, prend toute sa valeur : elle rend « palpable » pour le patient son état de tension. Ensuite la pratique d’une technique de relaxation corps complet puis le travail spécifique sur le plancher et la langue fournit au patient un protocole qui lui permet de gérer sa dysfonction.
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Une autre situation clinique que j’appelle le « syndrome de la langue sans repos » est caractérisée par une agitation incessante de la langue. En général la mandibule est, elle aussi, « sans repos ». Il importe dans ces cas là de fournir une stabilité occlusale afin que le patient ait « un endroit où poser ses dents ». Puis on le fait travailler sur la technique de relaxation la plus appropriée, avec comme objectif l’immobilité et enfin il faut l’accompagner dans la découverte des caractéristiques de sa dysfonction… qu’il ignore.
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Voyons des cas un peu plus fréquents : les divers cas de névralgies ou de glossodynies auxquels nous pouvons être confrontés ne reçoivent souvent pour toute réponse, dans le cadre de la dentisterie conventionnelle, qu’une prescription médicamenteuse. En général les patients ont vu de nombreux praticiens qui ne se sont pas montrés optimistes et qui ont affirmé : « il n’y a rien à faire… sinon continuer à prendre de façon scrupuleuse vos médicaments… »
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Il me semble que pour un thérapeute qui cultive le simple souci de faire preuve d’Humanité, la première chose à faire pour ces patients, c’est, sans les bercer d’illusions, de leur redonner un peu d’espoir et de leur proposer un autre chemin : travailler sur leur mode de fonctionnement !
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Dans un article paru dans la revue « Autrement » de 2004 je citais le cas de Mme ROC, étiquetée névralgie faciale et qui a pu, après un travail sur son mode de fonctionnement, abandonner le Tégrétol (même si l’équilibre est resté fragile et le plancher de la bouche encore spasmé).
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Autre cas : Mme GEX souffre depuis trois ans de brûlures linguales. Elle développe lentement, en cours de traitement, la capacité à mettre sa langue au repos. Cela lui permet d’expérimenter par elle même le lien existant entre cette mise au repos de sa langue et la disparition de la sensation de brûlure. Ce qui n’était qu’une hypothèse difficile à accepter pour elle : « vous créez votre douleur par votre dysfonction » devient une réalité expérimentable. A partir de là il se produit une sorte de « bascule » et les brûlures diminuent et tendent à disparaître.
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Dans ces deux exemples nous nous référons à l’interprétation physiopathologique qui a été proposée par Mr le Prof. WODA dans son article sur les « Algies orofaciales idiopathiques ».
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Enfin les cas que l’on rencontre journellement. Je citais plus haut les cas de langues susceptibles qui réagissent en refoulant ce que vous prétendez introduire dans la cavité buccale. Donc les nauséeux, les « hyperdéglutisseurs » (encore un néologisme pour qualifier ces patients qui ont institutionnalisé la succion déglutition), à qui vous allez pouvoir proposer une série d’exercices qui rendront possibles les soins dans une séance ultérieure.
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Les cas de migration dentaire quand le patient explique qu’il y a déjà eu un traitement d’ODF réalisé pour repositionner… et que la dent « est repartie en malposition. »
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Remarque ultime :
Pour tous les praticiens qui prétendent réaliser un diagnostic de malocclusion et qui se heurtent à une mandibule impossible à manipuler en douceur l’approche fonctionnaliste va leur fournir les « clés ».
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Dans tous ces cas la manipulation du plancher donne une réponse au praticien et une information au patient : c’est raide, spasmé, contracturé… il faut apprendre à détendre !
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[3] Le praticien peut être convaincu que les troubles décrits par son patient ont leur origine dans un mode de fonctionnement inadéquat, encore faut il en persuader le patient. Cela suppose une stratégie de communication adaptée.
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[3.1] Pour développer cette approche fonctionnaliste le praticien doit faire preuve d’une indéniable ouverture d’esprit mais il doit en plus être « optimiste ». J’entends par là qu’il doit avoir confiance dans la capacité d’un être humain à changer, à modifier son comportement.
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Cela suppose aussi qu’il a abandonné la position du structuraliste pour qui la fonction ne peut pas être bonne si la structure ne l’est pas. Le structuraliste ne voit qu’une solution quand la fonction n’est pas bonne : changer la structure.
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Ce sont les praticiens structuralistes qui proposent des interventions chirurgicales type Lefort au maxillaire et « tiroir » à la mandibule.
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Non pas que je dénie tout intérêt à ces techniques qu’il est parfois indispensable d’employer mais je suis persuadé qu’une re-programmation préalable de la fonction constitue une étape incontournable.
On voit bien ce qui se passe quand une orthodontie uniquement structuraliste est pratiquée sur un cas de dysfonction manifeste : la récidive quasi inévitable est l’expression de la capacité de la fonction à modifier la structure.
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A l’opposé on constate les succès obtenus par la méthode de « réhabilitation neuro-occlusale » selon Planas. Le bon mode de fonctionnement mis en place à un âge ou la structure peut se modifier du fait de la croissance permet l’établissement d’un équilibre stable.
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Si le praticien doit être optimiste… le patient, lui, doit être ouvert. La première limite à l’utilisation de l’approche fonctionnaliste réside dans l’état d’esprit du patient : s’il déclare, sûr de lui, « je suis comme ça depuis 30 ans je ne vais pas changer maintenant » il y a peu de chance que vous (le couple patient-praticien) arriviez à quelque chose de concret.
En pratique ce sont les engagements déjà existants du patient dans des pratiques de relaxation, Yoga, Tai Qi, Qi qong…qui seront les plus sûrs garants de réussite et qui vous diront si vous pouvez proposer au patient de rentrer dans ce travail… car c’est un vrai « travail ».
[3-2] Dans l’approche fonctionnaliste telle que je la préconise les points important, basiques ce sont l’état d’inconnaissance et le conditionnement.
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Inconnaissance :
Pourquoi insister sur l’absence de conscience ? C’est que, si nous questionnons nos contemporains sur la conscience qu’ils pensent avoir d’eux même, de leurs actions… nous allons obtenir des réponses très optimistes, positives. Si vous tentez d’émettre des réserves vous risquez d’obtenir des remarques offusquées : « dites tout de suite que je n’ai pas toute ma tête ? »
Or, que nous apprennent les spécialistes de l’étude du comportement ? Nous ne sommes que très peu conscients de nous mêmes ; nous accomplissons nombre de nos activités journalières de façon automatiques sans y mettre une once de conscience.
Parmi ceux qui prennent journellement des pilules, qui n’a pas pris, un jour ou l’autre, ses pilules de façon tellement automatique qu’il ne sait plus ensuite, quand il s’interroge en conscience, s’il les a vraiment prises ou pas ?
Qui n’a pas pris, alors qu’il conduisait sa voiture en pilotage automatique, un chemin habituellement emprunté alors que, en conscience, il souhaitait se rendre ailleurs ?
Nous pourrions multiplier les exemples. Les spécialistes parlent pour cet état de « paresse cognitive » (Voir D. Ciccoti 150 petites expériences…) : le cerveau se contente de la saisie par les organes des sens de quelques éléments fragmentaires dont il décide qu’ils sont suffisamment significatifs pour prendre une décision et passer à l’acte.
Conditionnement :
Est ce que dans un accès de prise de contrôle conscient et volontaire nous pouvons améliorer la situation ? Malheureusement pas ! Le contrepoint à l’inconnaissance est l’état de conditionnement dans lequel nous nous trouvons. Ceux qui ont pu participer à l’expérience proposée ont constaté que sur un point aussi basique que le mouvement du diaphragme au cours de l’inspiration, dans une population choisie, ayant fait des études médicales on obtient seulement 50% de bonnes réponses à la question suivante : sur l’inspiration, est ce que le diaphragme monte ou descend ?….
50% de bonnes réponses, score très faible du fait de ce fameux conditionnement qui a inscrit, dans notre schéma de fonctionnement, l’inverse de la physiologie.
Bien sûr c’est la méconnaissance de la physiologie qui fait le lit d’un conditionnement erroné.
[3-3] Le rôle du thérapeute c’est alors, après avoir repéré le dysfonctionnement, de créer une situation dans laquelle le patient va pouvoir faire la double prise de conscience en premier qu’il ne sait pas « comment ça marche » et en second qu’il a des idées fausses sur la façon dont « ça devrait marcher ».
Même si cet exposé est centré sur « la langue », je dois souligner que l’approche fonctionnaliste prend en compte tous les dysfonctionnements de la sphère oro-faciale (et « regarde » même, plus largement, l’ensemble de l’individu).[Les Fascias]
Par exemple, pour citer les plus fréquents, l’hyperactivité des muscles élévateurs ou des propulseurs. Je ne m’étendrais pas sur ce point qui nous entraînerait trop loin de notre sujet mais je vais néanmoins faire allusion à l’exercice en 4 temps.
J’ai déjà eu l’occasion de souligner, que la plupart de nos contemporains confondent « fermer et serrer » d’une part et « relâcher et ouvrir » d’autre part. Un test simple réalisable avec la main permet de mettre le patient en situation de faire ces prises de conscience ; On lui demande simplement d’observer sa main et de suivre les consignes. On demande de fermer, le patient serre (dans au moins 90% des cas), on lui demande si il a bien respecté la consigne : a t’il fermé, sans mettre de pression ou bien a t’il serré ? Il admet (plus ou moins facilement) qu’il a serré.
Ainsi la prise de conscience est faite. On termine le test en demandant de serrer puis de relâcher et là le patient ouvre la main. On lui demande si il a relâché ou ouvert… il fait une nouvelle prise de conscience : relâcher est différend d’ouvrir.
J’utilise ce test pour expliquer au patient la différence entre contraction isotonique et contraction isométrique, (et par ailleurs…) entre relâchement dans l’immobilité et mouvement qui peut n’être qu’un déplacement de tensions.
A partir de là il devient possible de fournir des informations sur la posture linguale (langue haute ou langue basse, où est posée la pointe de la langue…) et surtout sur le fait que cette posture peut être tenue en force (contraction isométrique) ou en douceur (contraction isotonique minimale)
Il est indispensable que le patient ait bien progressé dans la capacité à sentir ses propres tensions. En effet l’objection qui est le plus souvent levée à ce stade c’est : « non je ne mets pas de pression » alors que la simple observation attentive, même sans palpation permet au praticien d’être sûr du contraire.
On peut dans un premier temps proposer au patient une phase d’auto-observation pendant laquelle il aura la possibilité de découvrir que ses muscles élévateurs ou sa langue et le plancher ne sont pas dans un état de tension minimum.
Mais on court alors le risque de voir revenir un patient qui affirme qu’après s’être bien observé, il en est sûr, il ne met pas de tension excessive dans ses muscles.
C’est pourquoi, face à certains patients résistants, il faudrait envisager l’utilisation d’un appareil de Bio-feed-back qui, lui, donnerait une appréciation incontournable, supprimerait ses velléités de contestation et lui apporterait une aide objective dans ses prises de conscience.
[3-4] La pratique d’une technique de relaxation corps complet ayant été sérieusement instaurée. Des progrès étant manifestes en termes de prise de conscience des tensions musculaires. Alors, le « vrai travail » sur la langue peut commencer.
Maryvonne Fournier dans l’ouvrage collectif : « Rééducation des fonctions dans la thérapeutique Orthodontique » propose un excellent catalogue et de bonnes illustrations des axes de travail possibles. Le singe, le piston, les claquements de langue, le crissement…voilà « plein » d’exercices très intéressants.
Je ferais une mention spéciale pour l’exercice langue large – langue étroite, (exercice N° 10 page 140 à 146) illustré en Avignon par une vidéo, et qui constitue une étape déterminante dans le cours du travail. Il est clair que cette étape correspond au passage de la langue nourricière, basse à la langue Royale, haute, dans son palais, celle capable d’articuler le discours. D’où, chez M. Fournier la série des exercices d’orthophonie.
Suis-je pour autant totalement d’accord avec les propositions de M. Fournier ?
Je dois soulever une objection majeure, fondamentale : quand M. Fournier parle du « début » du travail elle ne fait aucune mention de l’équilibre occlusal.
Réfléchissons : quel est le but visé par la « rééducation linguale » sinon l’établissement de la déglutition de type « adulte » avec appui dento dentaire. Il est facile de comprendre qu’un inconfort, une insécurité dans l’appui dento dentaire inhibe la possibilité de passage de la succion-déglutition à la déglutition de type adulte.
C’est pourquoi nous affirmons que le début du travail sur la langue ne peut se faire que sur une occlusion stabilisée.
G. Rosenstein allait lui encore plus loin en affirmant que le premier temps d’un traitement d’ODF, précédant même l’étape du diagnostic sur téléradiographie devrait être l’établissement d’un état d’équilibre occlusal ! (et avec le recul je suis pleinement d’accord avec lui !)
En posant comme préalable à la rééducation de la langue et du plancher la nécessité d’un appui occlusal stable on rejoint le point de vue de Mme Padovan. Sur quoi repose la méthode de Mme Padovan ?
L’idée de base est que l’être humain vient au monde « inachevé » et qu’il doit franchir les étapes successives d’un processus de développement pour atteindre un certain niveau d’achèvement
La deuxième idée : les phases de ce développement sont connues et sont les mêmes pour tous les êtres humains tout autour de notre planète. Un des grand mérite du neurophysiologiste Temple Fay est d’avoir pris son bâton de pèlerin pour parcourir la terre, vérifier et décrire ces étapes en s’assurant qu’elles sont partout les mêmes.
La troisième idée : dans le cours du processus de développement, le passage de l’étape précédente à l’étape suivante se produit spontanément lorsque la maturation est parvenue à son terme.
Pour notre système neuro-musculaire qu’est ce que la « maturation » ? La répétition d’un enchaînement d’activités musculaires qui conduisent à une expertise dans la réalisation d’une performance. En terme de fonctionnement cérébral cela correspond à la création de nouvelles connections et à la facilitation d’un mode de fonctionnement par rapport aux autres modes de fonctionnement possibles. L’exemple fourni par Mme Padovan est celui des enfants qui à un stade donné de leur développement se mettent à faire des « roulades » et qui vont enchaîner, roulade sur roulade au point que l’entourage trouve cela lassant.
Ce n’est pas un jeu. C’est une nécessité pour le système, sans doute pour affiner la capacité des structures cérébrales (en terme de plasticité du système nerveux : en créant de nouvelles connections) à gérer correctement les informations en provenance de l’oreille interne, afin d’améliorer la capacité à gérer l’équilibre. (ce qui est d’autant plus important que l’Homme est debout entre ciel et terre ainsi que le souligne la M.T.C.…).
M.Fournier a bien conscience de cette nécessité d’automatiser les nouveaux modes de fonctionnement proposés par les exercices. Quelle solutions propose-t-elle ? Apparemment la même : répéter ! Mais, dans une rééducation il s’agit de répéter l’exercice difficile, celui qu’on ne sait PAS faire.
Rien de pareil dans la méthode Padovan : ce que l’on doit répéter c’est ce que l’on sait déjà faire jusqu’à ce que la « maturation » ayant été menée à son terme le passage au stade suivant se fasse de lui même.
En terme de déglutition, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit ici, que propose la méthode Padovan face à un cas de succion déglutition avec syncinésies langue, orbiculaire et ptérygoïdiens ? De porter jusqu’à son terme la maturation de cette forme de déglutition. Comment ? En fournissant au patient une « sucette » aménagée avec un tube capillaire dont une extrémité trempe dans un verre d’eau et l’autre extrémité se situe entre langue et palais.
Pour obtenir que l’eau monte dans le tube très fin le sujet doit produire une dépression très forte. Par rapport au « suçotage » que produisent habituellement les adeptes de la succion-déglutition l’investissement musculaire doit ici être maximum (total) et c’est ce qui permet la maturation. Et, au bout de la maturation le passage au mode de déglutition de l’adulte.
CONCLUSION
Nous sommes partis de cette affirmation que la langue constitue quand elle est dysfonctionnelle la pire des choses et qu’il est impératif de modifier les modes de fonctionnement inadéquats.
Comment ? Rééduquer ne me semble pas la meilleure option. Je considère que l’approche rééducative classique fait l’impasse sur les étapes, primordiales, selon mon expérience, de découverte par le patient de son état d’inconnaissance et des conditionnements dont il est l’objet.
Autre « impasse » celle qui semble faite sur la connaissance de l’enchaînement des différentes étapes physiologique du développement. On part d’abord d’une bouche édentée et d’un mode de fonctionnement qui ne peut être que la succion déglutition, puis les dents apparaissent et ainsi l’appui occlusal peut « libérer » la langue d’une partie de son travail. Cela la rend apte à développer ses caractéristiques royales : la possibilité d’articuler le discours. De large et basse la langue va devoir devenir haute et étroite.
Tout le monde ne peut qu’être d’accord sur cette description alors n’oublions pas que c’est l’établissement de l’équilibre occlusal, et son bon usage, qui est la clé de cette transformation.
Nous, chirurgiens dentistes, sommes les seuls à maîtriser les moyens techniques permettant de corriger un déséquilibre occlusal, étape indispensable qui permettra que se mette en place le mode de déglutition avec appui dento-dentaire.
Est-ce que nous refusons totalement les techniques de rééducation ? Nous ne refusons aucuns des moyens qui peuvent être pertinents pour améliorer la mobilité consciente et volontaire de la langue. (nous suivons Madeleine quand elle propose de faire claquer la langue…)
Mais nous restons persuadés que seule la Méthode de Réorganisation neuro-fonctionnelle de Mme Padovan prend les choses dans le bon ordre et permet que se déroulent normalement les différentes phases du développement de l’être humain.
Pour imager ces phases de développement Mme Padovan a adopté la formule de Rudolf Steiner : « Marcher, Parler, Penser… » que nous n’hésitons pas à détourner en « mâcher, parler, penser… » Mâcher, c’est langue basse et large. Parler, langue haute et étroite. Et penser alors ? Quel fonctionnement de la langue pourrait correspondre au « penser » ?
Voici une proposition : on peut imaginer une physiologie dynamique pour l’ensemble plancher plus langue. Ce qui est proposé actuellement dans le meilleur des cas c’est une « posture » linguale (langue haute dans son palais, pointe posée sur la papille bunoïde = c’est ce que proposent les Yoga et Qi Gong)
Ajoutons du mouvement à cette posture : il suffit d’intégrer cette notion que le plancher de la bouche est un « diaphragme » comme notre diaphragme respiratoire et qu’à ce titre il doit être mobile c’est à dire suivre les mouvements de ce dernier.
Dès lors, le mouvement « respiratoire » du diaphragme buccal doit être décrit de la façon suivante : la pointe de la langue restant posée sur la papille bunoïde, le corps de la langue et le plancher descendent sur l’inspir et remontent sur l’expir.
L’auteur serait heureux que tous les lecteurs qui pratiquent une discipline comme le Yoga, le Tai Qi, les Qi Qong ou les arts martiaux expérimentent ce qui est proposé ci-dessus et lui fassent part de leur vécu. Bonne pratique.
Notre but est de mettre à disposition des internautes (étudiants, professionnels de la santé et patients) les renseignements disponibles dans le domaine des médecines douces (en anglais, l’on parle de « complementary and alternative medicine »), au sein d’un concept global d’équilibre du terrain, pour qu’ils participent avec nous au débat ouvert sur la médecine de demain … dans une approche systémique de la santé, des symptômes et des remèdes !
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