Le « Profil biologique » de l’institut Pasteur
Voici 30 ans qu’est paru l’ouvrage du Pr. G. SANDOR « Séméiologie biologique des protéines sériques » (Maloine, 1975). C’est une masse complexe de données (suivi de 1500 patients, en 400 pages dont de nombreux tableaux chiffrés) et j’avais jusqu’à présent trouvé des prétextes divers pour repousser le moment de m’y plonger complètement, afin de faire le point de ce que pensait l’Institut Pasteur du protidogramme, des Euglobulines et de quelques autres de nos points de repère biologiques.
Ce gros travail universitaire est dépaysant pour nous, car il intéresse des pathologies que nous n’avons que rarement l’occasion d’observer en médecine praticienne : endocardites septiques, anémie de Biermer, ataxie télangiectasique, macroglobulinémie africaine … Ce qui en fait un ouvrage ardu à consulter, c’est l’absence de systématisation des affections exposées.
Là aussi, l’on se rend compte de l’intérêt de notre approche systémique où, à l’instar de H.H. RECKEWEG, nous classons les pathologies selon les pôles organiques et les phases en causes.
Evidemment, c’est un ouvrage qui s’appuie sur le dosage des protéines sériques les plus courantes, mais nous pouvons transposer ces données aux tests du BNS qui en sont statistiquement les plus proches :
Orosomucoïde = Alpha1 précipitines
Haptoglobine = Alpha 2 (et Ammonium)
Céruloplasmine = test Cuprum
Complément C3 = test Calcarea
IgM = test Aurum
IgG = test Mercurius (Takata)
IgA = test Zincum
Nous avons par contre en commun le titrage des Euglobulines : c’est un groupe de « tests d’instabilité sérique », différent de la concentration des protéines sériques individuelles. Le terme « Eu-globulines » a été donné par FULD et SPIRO à la fin du 19ème siècle ! L’albumine n’entre pas dans la composition de ces précipités, il s’agit de précipités hétéropolaires de toutes les globulines :
— à pH 7 (EuGamma), il s’agit surtout des IgG (cations),
— à PH acide (Eu Alpha), ce sont les Alpha et Bêta globulines qui prédominent (anions).
Avec une prédominance de la Bêta 2 macroglobuline et des facteurs de coagulation et de fibrinolyse. Actuellement, les classiques ne les utilisent plus guère que pour calculer le « Temps de lyse des Euglobulines » qui évalue la capacité de dé-coagulation du sérum (centaine de références sur le net).
Leurs quantités sont aussi variables : EuA = 0,15 gr. / EuB = 0,16 gr. / EuG = 0, 22 gr. Les quatre articles téléchargeables (ci-dessous) vous renseigneront sur les études éffectuées sur ces protéines intéressantes.
Nous y avons cependant trouvé la confirmation de nombre de constatations que nous avions faites avec les BNS :
1/ On observe chez les sujets sains, que les variations liées à l’âge et au sexe sont minimes :
* Albumines … 30 ans = 68%
* Gamma … 30 ans = 12%
* Céruloplasmine (qui transporte 8 atomes de Cuivre) … Femme = 0,34 / Homme = 0,31
* Par contre, les patients d’origine tropicale (Afrique, Inde …), et européens ayant vécu longtemps dans ces zones, présentent une hyper Gammaglobulinémie caractéristique.
2/ G. SANDOR groupe ces tests selon différents axes :
— La balance : phase d’agression (Alpha 1/Alpha2) / phase d’immunité (Gamma).
— Le complément (C3/Bêta) qui évolue de façon diphasique (hyper en phase inflammatoire débutante, puis hypo par consommation, quand la maladie s’aggrave).
— Le pool des Albumines, réservoir de synthèse des autres globulines. Sa baisse signe la décompensation, sa remontée la guérison.
Il insistait déjà sur le rôle du Colon (la « flore de barrière » et la perméabilité intestinale), sur le rôle du Foie (réaction inflammatoire et régulation de la phase immune) et du système lymphoïde (Rate).
3/ De nombreuse affections n’ont que des perturbations sériques minimes, ainsi :
— des affections bénignes : atopies / allergies (augmentation isolée de l’IgA dans les eczémas suintants), mycoses et le psoriasis = légère hyper Alpha1+2 / Transferrine / Bêta (en phase inflammatoire) + hypo EuGamma. On peut se demander si la corticothérapie répétée ne décapite pas la réaction immune ?
— certaines atteintes graves : leucémies (LLC), polyglobulies, SEP, affections endocriniennes non compliquées = légère hyper Céruloplasmine + C3 (Bêta 1C globuline).
4/ L’aspect « hypo Albumines + hyper Alpha 1» signe les phases de décompensation. Nous avions identifié ce trait comme le passage en « phase acide », parfois même avec le reste du profil normal. Le malade a mal et on peut parfois observer des lésions cutanéo-muqueuses. C’est un aspect que l’on observera aussi dans les états graves post opératoires, les RCH en poussées, les cirrhoses en cours de décompensation …
5/ Après une pathologie grave, on observe un lent retour à la normale (parfois plus de 6 mois), en commençant par les protéines de l’inflammation, puis les immunoglobulines, enfin les Euglobulines (EuAlpha surtout). Le rapport est étroit entre les concentrations d’Albumines et de Transferrine (r = 0,73), dont la normalisation signe la guérison.
6/ Les néoplasies constituent un groupe très hétérogène sur le plan des modifications sériques. Dans 9 cas sur 10 on observe une certaine inertie à l’égard du développement tumoral : hyper Alpha 1 (thermomètre de la réaction inflammatoire) et hypo Albumines (thermomètre de la consomption).
En outre, les leucémies et le Hodgkin présentent une hyper Gamma (surtout IgA) et hyper Eu Alpha. Quand les lésions métastatiques envahissent le Foie, l’aspect biologique diverge, avec augmentation du Complément (C3 = Bêta 1-C globuline).
7/ Il note, comme nous, l’existence d’une normalisation pré-mortem, avec en particulier une remontée des albumines. Ce phénomène est sans doute induit par la diminution du débit anabolique des protéines inflammatoires et immunes.
Aspects biologiques classiques de certaines pathologies :
• Augmentation des Alpha 1 + Gamma (surtout IgM) + Eu Gamma (avec Albumines et Alpha 2 normales) lors des hépatites virales en phase aiguë (aspect stable qui persiste durant l’ictère). Chute de l’Albumine et des Bêta lorsque l’hépatite devient chronique active. Puis augmentation massive des Gamma et EuGamma lors la cirrhose s’organise.
• Augmentation des Alpha 2 + Gamma lors des cholescystites, paludisme, douve du foie
• Augmentation de la Céruloplasmine lors des traitements oestrogéniques (hormonothérapie)
• Augmentation des Alpha 1+2 et Bêta lors de thromboses vasculaires
• Augmentation des IgA (Zinc) lors de pyodermites et des infections urinaires
• Augmentation des Euglobulines et des Gamma lors des syndromes infectieux internes graves
Mais il remarque que c’est surtout l’effondrement isolé de telle ou tel groupe protéique qui joue un rôle discriminant en clinique :
• Baisse des Gammaglobulines, lors des agammaglobulinémies essentielles, des entéropathies exsudatives, de la néphrose lipoïdique, de certains cancers (LLC, Hodgkin) …
• Baisse des IgA, risque d’infections muqueuses graves ou récidivantes
Parfois, c’est la biologie qui permet de différencier des états cliniquement proches, cas des MICI :
• La maladie de Crohn a une augmentation des IgA et de la Céruloplasmine,
• La Recto-Colite Hémorragique présente une augmentation des IgM, des Alpha 1 + Bêta + EuAlpha
Et pour terminer il fait deux (utiles) petites remarques :
– La mise en évidence d’une para-protéine (lymphome) est difficile quand son taux est faible.
– Ce sont les lipoprotéines qui ne supportent pas la congélation et sont auto-oxydables … problème à prendre en compte pour la conservation des échantillons.