.
Aujourd’hui, on constate qu’un grand nombre de petites filles d’à peine 8 ans sont déjà pubères, alors qu’il y a encore vingt ans, la puberté n’apparaissait en moyenne qu’à partir de 11-12 ans. Quelles sont les causes d’un tel bouleversement hormonal ? Et, surtout, quelles conséquences mesure-t-on sur la santé ? Revenons sur un phénomène qui prend de l’ampleur et sur les mesures de prévention que l’on peut mettre en place pour protéger nos enfants.
.
La puberté marque le passage de l’enfance à l’adolescence, avec son cortège de phénomènes physiques, psychiques et affectifs. C’est la période d’acquisition des caractères sexuels secondaires : apparition chez les filles des seins (entre 9 et 12 ans), des règles (en moyenne deux ans après) et de la pilosité pubienne… C’est donc le temps de la mise en place de la fonction de reproduction, bien sûr, mais aussi de la maturation osseuse et de la croissance de la stature. Ces bouleversements hormonaux et physiques s’accompagnent de profondes mutations psychologiques liées au passage à l’âge adulte, des premiers émois aux balbutiements du lent processus d’émancipation.
Historiquement, on constate une précocité grandissante de l’âge de la survenue des premières règles chez les jeunes filles. Ainsi, entre la moitié du XIXe siècle et aujourd’hui, en Europe, l’âge moyen des premières règles est passé de 17 ans à 12,8 ans ! Toutefois, depuis une quinzaine d’années, on constate un nombre croissant de pubertés précoces, attribuables en grande partie aux changements dans notre environnement et aux perturbateurs endocriniens qui sont devenus notre lot quotidien.
.
La puberté est dite précoce lorsque l’âge d’apparition de caractères sexuels secondaires (seins, pilosité) est prématuré. Elle est considérée aujourd’hui comme précoce avant 8 ans pour les filles et avant 9 ans pour les garçons. Toutefois, les pubertés précoces concernent bien plus fréquemment (cinq fois plus souvent) les filles que les garçons . Entre 8 et 9 ans chez les filles, on parle de « puberté avancée », mais elle est devenue tellement fréquente qu’on ne le considère pas comme médicalement problématique.
Outre l’impact psychoémotionnel possible chez les jeunes enfants – car avoir ses premières règles à l’école primaire peut avoir quelque chose de traumatisant –, l’un de ses inconvénients majeurs est son incidence sur la taille définitive de l’adulte , avec ce paradoxe d’entraîner une grande taille de l’enfant, mais une petite taille de l’adulte. La maturation du squelette aura en effet été plus précoce, mais également plus rapide et se terminera plus tôt.
Quelque soit l’âge de déclenchement, la puberté est régie par une activation neuroendocrinienne de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique, dont le démarrage est régulé par l’hormone de croissance ainsi qu’une hormone spécifique sécrétée par le tissu adipeux : la leptine . Ainsi, au début de la puberté, la sécrétion de leptine augmente.
C’est alors que l’hypothalamus sécrète l’ hormone Gn-RH (Gonadotropin Releasing Factor) qui stimule l’hypophyse, laquelle sécrète à son tour des hormones gonadotrophines (FSH et LH), entraînant le développement des gonades et la sécrétion des hormones sexuelles (testostérone pour le garçon, œstradiol et progestérone chez la fille).
La croissance augmente sous l’action stimulatrice des hormones sexuelles. Les glandes surrénales interviennent aussi en augmentant la sécrétion des hormones androgènes, lesquelles participent au développement de la pilosité.
Ainsi, si la puberté précoce périphérique est franchement d’origine pathologique, les pubertés précoces vraies ou dissociées ne le sont pas forcément, et les causes ou facteurs qui les favorisent sont à rechercher ailleurs. Pour s’assurer qu’il s’agit bien d’une puberté précoce, un certain nombre d’examens sont nécessaires : bilans sanguins et hormonaux, échographie pelvienne, radiographie du poignet gauche, IRM cérébrale en cas de suspicion de tumeurs, etc.
.
Toutefois, pas de panique : une croissance rapide ou l’apparition de règles plus tôt que la moyenne ne signifient pas forcément qu’on est face à une puberté précoce. Par exemple, les jeunes filles en surpoids ont fréquemment des seins plus tôt que les autres, du fait du rôle de l’hormone leptine secrétée par les tissus adipeux évoqués précédemment. Et, dans plus d’un tiers des cas, les jeunes filles sont réglées plus tôt que la moyenne tout simplement parce que… leurs mères l’étaient aussi.
D’autres facteurs plus surprenants comme l’ensoleillement jouent aussi un rôle, comme le montre une récente étude de l’INSERM : ainsi, les filles vivant dans le sud de la France ont leurs premières règles en moyenne trois ou quatre mois avant celles résidant dans le nord de l’Hexagone.
.
De la nourriture industrielle aux cosmétiques, des jouets aux emballages plastiques et tickets de caisse… les perturbateurs endocriniens imprègnent désormais à des degrés divers la quasi-totalité de la population.
Six sont désormais classés interdits dans les jouets et la puériculture, mais d’autres, également toxiques, sont encore omniprésents dans notre vie quotidienne. Du fait de leur impact sur notre système neuroendocrinien, ils peuvent générer des perturbations aussi bien sur la puberté des jeunes filles que sur la fertilité de l’homme, la féminisation des jeunes garçons, mais plus généralement les cancers hormonodépendants.
Les xénoestrogènes (œstrogènes étrangers) en particulier sont une classe de molécules qui imitent l’activité de l’œstrogène, la principale hormone sexuelle féminine. Les PCB, phtalates ou le bisphénol A sont eux aussi des xénoestrogènes.
.
Dans l’alimentation, on pointe également du doigt le rôle des pesticides néonicotinoïdes , dont les études prouvent la toxicité neurologique et l’impact sur la thyroïde, ainsi que sur-le-champ de la reproduction. Une étude japonaise de 2015 a repéré des contaminations aux néonicotinoïdes dans les échantillons d’urine de 90 % des personnes testées. L’un de ces pesticides, l’imidaclopride, compte ainsi parmi les cinq molécules les plus présentes dans les fruits et légumes (étude de 2008) et se retrouve dans 80 % des échantillons de thé en France (étude de 2013), comme le rappelaient récemment les associations Générations futures et Greenpeace.
L’eau de boisson requiert également une véritable vigilance , car les analyses réalisées sur la qualité de l’eau du robinet ont démontré qu’un certain nombre de polluants y étaient retrouvés : non seulement des pesticides (dans 5 % des réseaux de distribution selon une enquête menée par UFC-Que Choisir en janvier 2017), mais aussi desrésidus de médicaments et de traitements hormonaux de synthèse (pilule contraceptive, traitement substitutif de la ménopause, traitement du cancer du sein…). Même à l’état de traces, ces molécules sont accusées d’avoir un impact particulièrement néfaste sur l’équilibre hormonal.
Les composés fluorés, qu’on retrouve dans une grande diversité de produits du quotidien (emballages alimentaires, appareils électroniques, peintures, produits antitaches…) sont aussi fortement suspectés, de même que la pollution atmosphérique.
.
L’organisme humain a bien du mal à éliminer naturellement tous ces polluants , pour une grande partie d’entre eux des « molécules aberrantes » non reconnues par nos systèmes physiologiques. Si les autorités définissent des seuils d’exposition considérés comme « sans risque » (« concentrations maximales tolérées », « dose tolérable hebdomadaire ») la réalité est bien plus complexe.
D’abord, parce que c’est souvent la période et la durée de l’exposition à ces polluants, plutôt que leur quantité, qui détermine leur toxicité. Ensuite, parce que la combinaison de ces différents polluants entre eux constitue une véritable bombe à retardement. C’est le fameux « effet cocktail » mis en lumière par des scientifiques indépendants dans le cas des pesticides, qui montre par exemple que l’exposition conjointe à deux pesticides et leurs adjuvants peut avoir une toxicité jusqu’à 1 000 fois plus importante que l’exposition à un seul de ces principes actifs. Or, c’est bien le principe actif seul qu’on analyse isolément en laboratoire pour définir les fameux seuils de dangerosité… Ces effets cocktails se retrouvent dans bon nombre de polluants environnementaux et perturbateurs endocriniens.
Aujourd’hui, des mesures sanitaires sont mises en place en Europe pour limiter la présence de perturbateurs endocriniens. Les contrôles sur la présence de phtalates dans les jouets ont été renforcés, le bisphénol A a été banni en 2013 dans les objets destinés aux enfants de moins de trois ans (notamment des biberons !), et, depuis janvier 2015 seulement, il a été interdit dans la fabrication des revêtements des boîtes de conserve et d’objets en plastique, ainsi que des tickets de caisse. Mais est-ce réellement suffisant ?
En effet, certaines substances utilisées comme substituts des phtalates (DINCH, DEHTP, TXIB, DOIP) ont été décrétées en octobre 2016 par l’ANSES « sans risque au vu des connaissances disponibles » pour les moins de trois ans … Mais compte tenu de la boîte noire que constituent l’effet cocktail et l’impact à long terme, nous manquons de recul pour affirmer cette innocuité.
.
Il s’avère que les filles qui subissent une puberté précoce grandissent plus vite, puis s’arrêtent de grandir plus tôt, ce qui peut se traduire par une taille à l’âge adulte inférieure à celle qu’elles auraient pu atteindre dans le cadre d’une puberté plus tardive.
Dans leur vie d’adulte, on constate par ailleurs que les filles ayant connu une puberté précoce présentent un risque plus élevé de développer un cancer du sein, ainsi qu’un risque augmenté d’obésité, d’hypertension, de diabète de type 2, de cholestérolémie élevée ou encore de maladies cardiovasculaires.
Une puberté précoce engage souvent, aussi, l’équilibre émotionnel et la santé mentale, en particulier chez les filles, qui se verront alors traitées différemment de leurs camarades, et feront davantage l’objet de brimades du fait de leurs caractères féminins plus marqués. Elles auront souvent plus de difficultés avec leur image corporelle et la régulation de leurs émotions, et seront plus enclines au stress, à l’anxiété, ou carrément à la dépression (6).
Dans ce cas, un accompagnement judicieux de ces jeunes filles, tant par leur famille que par un psychologue, est souvent déterminant pour les aider à traverser cette période de profonde transformation et éviter que les facteurs extérieurs de déstabilisation aient trop de prise et hypothèquent leur équilibre émotionnel.
.
Actuellement, le traitement proposé par le corps médical repose sur des injections régulières d’analogues à l’hormone hypothalamique Gn-RH (une hormone de synthèse) jusqu’à l’âge normal de la puberté, qui permettent de bloquer sa précocité, de limiter l’avance de l’âge osseux et de réguler la vitesse de croissance. Ces injections d’hormones de synthèse, également utilisées pour le cancer de la prostate, certains fibromes et situations d’endométriose chez l’adulte, ne sont pas sans effets secondaires (douleurs abdominales, dépressions, céphalées…). Elles doivent donc faire l’objet d’un suivi très serré.
Vous qui nous lisez, vous connaissez sans doute nos positions quant à l’importance de la qualité du mode de vie et de la prévention. Ici, la prévention de l’exposition aux toxiques est centrale. C’est tout particulièrement le cas lors de la grossesse, carl’exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens est particulièrement déterminante. Une étude réalisée sur deux ans par cinq laboratoires indépendants a confirmé la présence importante de polluants environnementaux dans le cordon des nouveau-nés : jusqu’à 232 substances toxiques différentes !
Pour éviter cette bombe à retardement, soyez extrêmement vigilante lors de votre grossesse à tout ce que vous consommez (eau, alimentation) et à tout ce à quoi vous êtes exposée (produits d’hygiène, cosmétiques, peintures, produits chimiques en tout genre, mobilier…). Plus généralement, privilégiez les produits simples, bruts, locaux et de qualité biologique. Cela permet de limiter l’exposition aux substances chimiques et aux divers polluants. Vérifiez également la qualité de l’eau de boisson : c’est une solution simple et efficace pour protéger sa santé.
Apportez un soin particulier à votre alimentation (ou à celle de votre enfant, le cas échéant) en favorisant régulièrement les aliments riches en antioxydants, vitamines, minéraux et graisses saines. En effet, certains aliments et molécules naturelles antioxydantes soutiennent par exemple les fonctions naturelles de détoxification et d’élimination des polluants de l’organisme. C’est ainsi le cas de la grande famille des flavonoïdes, qu’on retrouve dans nombre de fruits et végétaux (thé vert, cacao, fruits rouges, pollen frais, herbes et épices) et qui multiplie l’efficacité d’un de nos grands nettoyeurs enzymatiques, le cytochrome P450.
On pensera également aux aliments riches en hétérosides soufrés tels que les crucifères, qui soutiennent la fonction de détoxification du foie et permettent d’évacuer une partie des xénobiotiques de l’organisme. C’est par exemple le cas de la molécule sulphoraphane qui peut également accompagner la régulation des oestrogèns en excès. Notez que la présence d’une bonne flore intestinale est indispensable pour certaines fonctions de détoxication centrales du foie (glutathion-S-transférase), aussi ne lésinez pas sur les fibres et les aliments complets (toujours en bio).
.
Une étude a mis en lumière que les enfants sujets au déclenchement précoce de la puberté présentaient plus souvent que les autres un déficit en vitamine D. Une supplémentation pourrait contribuer à retarder la puberté par son action sur les neurones à Gn-RH du cerveau. A n’entreprendre qu’une fois effectué un bilan sanguin, et sous la supervision d’un médecin.
La pratique d’une activité physique permet, en plus de ses nombreux bienfaits, de limiter l’apparition du tissu adipeux (et donc la sécrétion de leptine), mais aussi d’oxygéner le sang, ce qui tend à réguler naturellement le taux d’hormones dans l’organisme, mesure supplémentaire qui contribue à rééquilibrer le système neuroendocrinien. Le sport permet également une meilleure gestion du stress, que l’on peut faciliter, par ailleurs, à l’aide par exemple de macérât glycériné de bourgeons de tilleul ou de figuier. Mais il ne faut pas hésiter, quand on constate un débordement du stress chez son enfant, à consulter un(e) spécialiste (psychothérapeute ou autre).
Un mot en particulier sur les sucres incorporés en masse dans tous les produits « de tentation » dont raffolent les enfants, sodas et biscuiterie en tête. Eu égard à leur impact considérable sur la sensibilité à l’insuline, c’est peut-être, parmi les principaux facteurs de risque, l’un des plus déterminants sur lequel vous pouvez réellement avoir une influence.
La combinaison de ces différentes mesures d’hygiène de vie, valables pour la femme enceinte mais aussi pour les enfants dès leur plus jeune âge, permet de prévenir les problèmes de puberté précoce et d’atténuer ou d’accompagner le processus lorsqu’il est déjà engagé. Le plus important reste, vous l’aurez compris, la prévention. Celle-ci passe par un mode de vie favorisant les activités de plein air ainsi qu’une alimentation saine, afin d’éviter l’exposition aux perturbateurs endocriniens.
.
Références :
1 « Association between dietary patterns and precocious puberty in children: a population-based study», International Journal of Endocrinology, Janvier 2018 – https://doi.org/10.1155/2018/4528704
2 «Connections between obesity and puberty», Current opinion in endocrine and metabolic research, octobre 2020 – https://doi.org/10.1016/j.coemr.2020.08.004
3 «Biochemistry of the adipose tissue: an endocrine organ», Archines of medical science, 2013 – https://doi.org/10.5114/aoms.2013.33181
4«Association of obesity with onset of puberty ans sex hormones in Chinese girls : a 4-year longitudinal study», Plos one, 2015 – https://doi.org/10.1371/journal.pone.0134656
5 «Impact of the Covid-19 pandemic on the diagnosis of idiopathic central precocious puberty in pediatric females in New York City», Journal of pediatric endocrinology and metabolism, mai 2023 – https://doi.org/10.1515/jpem-2022-0628
6 «Psychological aspects of pre-adolescents or adolescents with precocious puberty: a systematic review», Journal of pediatric nursing, mai 2022 – https://doi.org/10.1016/j.pedn.2022.01.002
.
D’après un article de Audrey Ramamonjy publié dans Alternative Santé
Notre but est de mettre à disposition des internautes (étudiants, professionnels de la santé et patients) les renseignements disponibles dans le domaine des médecines douces (en anglais, l’on parle de « complementary and alternative medicine »), au sein d’un concept global d’équilibre du terrain, pour qu’ils participent avec nous au débat ouvert sur la médecine de demain … dans une approche systémique de la santé, des symptômes et des remèdes !
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.
Vous appréciez les articles de notre site ?
Vous vous intéressez à la santé naturelle et à la médecine fonctionnelle ?
Laissez nous votre email pour recevoir toutes les semaines des articles, des infos et des conseils